l’armistice

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Il s’assit près d’elle.

– Comment vas-tu? lui glissa-t-il à l’oreille.
– Bien, répondit-elle en souriant.

Comment aller mal dans un tel cas? La vie était simple bien que l’on n’y comprît absolument rien. La joie catapultée du ciel faisait briller quelque chose au fond du coeur. Sur un haut plateau, à une autre latitude, un manteau de neige (oui on dit bien un manteau de neige) scintillait au soleil.

la chaussée

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C’est le matin du jour précédent qui précédait le précédent et ainsi de suite
La lumière est belle, le ciel un peu couvert, comme au-dessus d’une mer imaginaire

et le monde était beau, la rue grandiose, tout, exactement tout, semblait s’agencer à la perfection comme si un merveilleux puzzle invisible était enfin résolu.
Elle étais tombée dans un océan de sobriété d’une douceur infinie.
Une vieille femme qui allait traverser, le bras d’un conducteur sur la carrosserie noire d’un véhicule, l’alignement régulier des platanes le long de la chaussée, l’humidité de l’air, un pied qui tenait une porte entrouverte, toute chose l’émouvait au point qu’un grand silence sembla s’élever du trottoir. Ça n’était pas un sentiment, c’était plutôt comme si l’amour avait été l’organe-même qui percevait le monde.

fatum

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À quatre heures du matin, l’été,
Le sommeil d’amour dure encore.
Sous les bosquets l’aube évapore
L’odeur du soir fêté.

J’avais la bouche assechée par tant de joie. J’étais stupéfaite par ce que l’on nomme le fatum, le destin, l’étoile, le hasard ou la nécessité, qui sait? Il y a ce qui a lieu et le nom qu’on lui donne.

Ce qui avait lieu me sidérait mais c’était bien parce que je l’avais désiré que j’étais abasourdie, sinon pourquoi l’aurais-je été?

Commencer une phrase par autre chose que par Je? Pourquoi faire?

à feu doux

Il était une fois une énigme. Elle la contemplait sous toutes les coutures et ne parvenait en rien à la cerner, à en délimiter les contours qui se modifiaient sans cesse, ni à y comprendre quoi que ce fût au bout du compte.

C’était peut-être tout simplement le concept-même d’énigme qui générait l’énigme ou le mot, énigme, qui devait être supprimé du vocabulaire.

Elle aurait alors enfin pu manger cette merveille toute crue sans devoir la réduire à feu doux.

matière à réflexion

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Elle passait en revue ses propres défauts. Certes, elle en avait mais pourquoi donc étaient-ils les siens au fond? Y tenait-elle tant? Il était quand même plutôt étonnant de réitérer des aspects qui, il est notoire, ne mènent à rien de bon!

C’était pourtant dans ses qualité qu’elle découvrait incrédule d’insoupçonnables limites. Par exemple, le monde devait être sauvé? Et de quoi? D’une necessité présumée de l’être – mais de quoi? – et d’une incapacité présumée à se sauver tout seul? De fait, le monde ne la remerciait  pas de ses efforts à elle pour régler ses problèmes à lui, il n’y avait là rien de paradoxal, il ne lui avait rien demandé.

Un potentiel de joie inexploré semblait pointer le bout du nez qu’elle avait bien au milieu de la figure.