les extraordinaires aventures du petit chaperon vert

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Il était une fois un petit chaperon vert qui ne voulait pas aller chez sa grand-mère.

– Oh! Ce n’est pas à cause du bois, il n’y en a plus.

Ses yeux parcouraient la perspective butée d’une périphérie qui était au centre de son tourment.

– Certes, il faut dire que les raisons d’un éventuel contentement sont difficiles à trouver, mais en vérité, on ne les cherche plus, on est donc assez peu déçu. Non, ça n’est pas cela… Comment dire?

La brise d’été s’insinua entre les murs gris. Quelques brins d’herbe sale défiaient la dalle de ciment horizontal et rappelaient toutefois qu’on était ici sur terre et qu’il s’agissait d’une planète vivante.

– Bon, si je ne m’abuse, ce que l’herbe peut, Dieu le veut… ou quelque chose comme ça, je ne me souviens plus… Oh tout est si loin que j’ai oublié comment on se rappelle!

Le grand méchant loup traversa l’espace, il sortait du supermarché avec ses courses.

Il ne vit pas le petit chaperon vert qui regardait les brins d’herbe comme l’affamé, le pain.

il faut être bien sage ou bien borné pour ne rien changer à ses pensées (proverbe chinois)

 

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Il était une fois un petit chaperon vert qui ne voulait pas aller chez sa grand-mère.

– Le loup est dans le bois, je voudrais bien voir ça, après des siècles à me faire dévorer, que j’y retourne comme si de rien n’était!

Ainsi, le petit chaperon vert s’assit sous un arbre et se mit en devoir de lire un livre. À la troisième page, il se mit à bailler aux corneilles qui croassaient dans les buissons.

– Eh bien, les corneilles, vous n’avaient rien de mieux à faire que de croasser comme des grenouilles?

– La grenouille coasse cher chaperon…

– Oui enfin, pour un r on ne va pas non plus en faire tout un plat, se justifia le chaperon vert qui n’était pas allé à l’école car il fallait aussi traverser le bois pour aller s’enfermer dans ce lieu sordide et toutefois utile quand on n’a pas d’alternative. Mais là n’était pas notre propos.

Le petit chaperon vert s’était remis à la lecture de son livre qu’il ne savait pas lire pour échapper à la malice des corneilles.

– Dis donc, petit chaperon, tu n’aurais pas peur du loup par hasard?

– Mais certainement pas!

Sur ces entrefaites, le loup arriva. Le petit chaperon vert sursauta et plongea ses deux yeux incrédules dans ceux de l’animal à la grande bouche.

– C’est pour mieux te manger mon enfant.

– Ce bois est une maison de fous!

Et le petit chaperon vert frappa le loup du livre qu’il ne savait pas lire et alla voir ailleurs s’il y était. Le petit chaperon vert, pas le loup.

Les corneilles se mirent à bailler en regardant la cime des arbres qui se balançait sous le ciel limpide.

l’art de vivre

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Il était une fois un extraterrestre. On l’a déjà dit mais c’était une autre fois et surtout, c’était un autre extraterrestre. Il ne décida pas de venir faire un petit tour sur Terre parce qu’il y était déjà passé, rapidement, un été durant sa tendre jeunesse, quand il n’avait pas 37895 ans. Il n’avait pas de souvenir particulier de la Terre, ni non plus ne sentait le besoin d’en avoir.  Il avait étudié sa géographie universelle, voilà tout. D’autre part, la galaxie du Soleil était si loin… Il cogitait tranquillement à l’ombre d’une fougère géante en sirotant un extrait de musc particulièrement velouté. Parmi les très nombreux habitants de cette planète bleue comme une orange, habitants qu’il avait soigneusement étudié un à un et qui  l’avaient émerveillé sinon stupéfait, il n’avait par contre jamais bien compris les humains. Les questions que l’étude de ces spécimens avait soulevées voletaient encore dans l’air à l’instant frais et rosé de la mi-journée. C’était sans doute le propre de ce peuple de faire des nœuds le matin pour pouvoir les défaire durant le reste de la journée et inversement, la nuit. D’une façon générale, cela occupait tout le temps qui leur était imparti sur Terre. En vérité, pensait-il, jamais je n’ai connu auparavant de potentiel incarné qui s’ignore autant et grandit dans l’aveuglement presque total, comme une jeune pousse courageuse sous un caillou immobile.

ce n’est pas parce que l’été va arriver que l’hiver n’est pas froid

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Il était une fois un extraterrestre. Les extraterrestres ne sont pas terrestres, ce qui joue souvent en leur faveur dans l’univers. Donc, il était une fois un extraterrestre qui décida, on ne sait pas pourquoi, de venir sur Terre. Ce ne fut pas la meilleure idée qu’il eût au cours de sa déjà longue vie –  il avait 72 432 ans au moment où il prit cette curieuse décision – mais enfin, ce ne fut pas non plus la pire. Quelle idée eut-il qui fût pire que celle-ci, on ne le saura pas et comme souvent, on n’aura d’autre choix que de croire sur parole – ou pas – le narrateur. Mais revenons à nos moutons, qui sont nombreux. En vérité, il ne vint pas sur Terre mais resta en suspens au dessus de quelques villes du globe, sans faire de bruit. Il mettait 40 secondes pour aller de Palm Beach à New Delhi, ce qui donne une idée de la rapidité avec laquelle il fit le tour du monde. Il repartit comme il était venu et quelques années plus tard, il était chez lui. Au cours de son voyage de retour, il eut le temps de se demander pourquoi les terriens faisaient si grand cas de leur planète alors qu’ils en faisaient si peu cas.

l’étreinte

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– Pierre Pierre
– Marie
Les enfants ne parlaient pas d’ici ni de maintenant – ils avaient toujours été pierre et poussière et vent, vie – quelque chose. Dans l’attente insoluble d’une étreinte temporelle, ils répétaient leurs prénoms respectifs happés par une fascination qui ne connaissait pas de fin ni de but ultime : comme l’horizon devant les yeux au delà du mur d’eau d’un océan, le présent s’étendait vers le ciel et embrassait l’espace tout entier.