la circonstance

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C’était  encore une autre fois. Elle était assise sur le rebord de la fenêtre. Qu’il y ait des milliards d’êtres mortels sur la planète n’était plus un fait qui la renversait. Ni qu’elle fût née, ni même qu’elle puisse sentir chaque chose pénétrer son espace et parfois même indiciblement, autre chose qui n’y était pas. Elle fermait les yeux. N’était-elle qu’une circonstance de son être? Y en avait-il d’autres? Et où? Quand? Elle continuait de respirer doucement. Quelque chose semblait vouloir la happer sans succès. Vivre était difficile. Et mourir? Et pourquoi ce ton éternellement pathétique aux abords de la considération qui annulait tout autre? Ne plus s’identifier à la circonstance, se jeter dans le vide inconnu de soi?

la mer

Je marchais le long de la côte, je marchais précipitamment les amants vont par deux vers la mer qui m’apparut tout à coup immense glorieuse insensée plus encore que dans mon souvenir. Le monstre nocturne sommeillait et venait lécher les galets gris doucement comme par inadvertance. Un danger à moins que ce ne fut l’envers d’une merveille semblait frôler sa surface lisse. Je m’approchais, étais-je désespérée? Était-ce possible? Était-il concevable d’entrevoir une impasse sans percevoir l’immensité des plans? Était-il possible de manquer à ce point d’imagination? De se suffire en ce manque, de s’y complaire? Non ça n’était pas possible, c’était même impossible. Il y avait une voie lapidaire qui transcendait la suffisance et elle dominait le ciel intérieur comme la lune ronde et blanche la mer sombre.

la chambre

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La fenêtre était fermée. Le jour filtrait au travers des persiennes closes, la chaleur aux aguets maintenue à la frontière d’un monde. Il avait bougé mais à peine. Il se souvenait. Il tentait d’oublier, de se défaire d’un fait, d’un évènement mais il se souvenait. D’une voix contre son tympan. Basse, complice, aimante, elle lui racontait une histoire qu’il aimait infiniment. Il l’écoutait sans la comprendre. Attentif, totalement. Le chat passa contre sa jambe immobile et leva ses yeux jaunes vers lui. La voix interrompit son flux régulier. Dans la chambre tout à coup silencieuse, le temps ressemblait à l’espace.

la balançoire

Son bon sens l’avait bel et bien quittée. Elle le cherchait dans ses poches mais ne le trouvait pas. Elle regardait perplexe le flux des voitures du périphérique qui filaient à grande allure vers le ciel. L’asphalte humide resplendissait solitaire dans la lumière molle du soir.
– Ça n’a pas de sens! s’exclamait-elle sur le trottoir.
Les passants pressés ne lui donnaient ni tort ni raison, ils passaient. À ce point de l’histoire les meubles flottaient dans l’air serein et tous les immeubles de la ville. Elle saisit au vol une chaise et s’y assit mais ne se trouvant pas à son aise, elle préféra l’abandonner à sa chute solitaire.

l’eau le feu

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C’était sans fin. On nous l’avait dit mais on n’y avait pas cru. On nous avait prévenu : avec le feu on ne joue pas. Et pourtant on avait joué. On avait joué avec le feu parce qu’on préférait ignorer toute imposition  extérieure, on avait joué parce qu’on préférait, à aux impositions extérieures, celle-là de l’âme  – l’injonction du silence. Une main avait pris la nôtre. On ne savait pas à qui elle appartenait. Mais appartenait-elle, cette main, et à qui? On ne savait pas. Elle oui, elle savait. Elle avait toujours su. Et elle disait oui.