L’atmosphère électrique qui régnait dans le palais n’était que l’effet d’une agitation stérile. Le roi déchu regardait ses mains, les paupières lourdes. C’étaient des mains qui avaient participé à beaucoup d’intrigues. Elles se tenaient sagement penaudes au bout de ses bras. Il en arqua un pour voir s’il réagissait. Le bras réagissait. Il arqua le second qui réagit également. Il haussa les épaules qui se haussèrent.
Il leva les yeux qui se levèrent sur la chambre en désordre. La catastrophe gagnait du terrain. Les apparences s’effritaient. Les objets silencieux et immobiles semblaient se jouer de lui et de sa peine qui n’empêchait pas ses mains de se tenir tranquillement au bout de ses bras que rien n’empêchait de s’arquer.
Le roi étouffait. Il se sentait définitivement étranger dans un monde hostile. Si son coeur lui avait demandé son avis pour continuer à battre, il aurait cessé sur l’heure. Mais son coeur continuait de battre et se passait très bien de son accord.
Le roi étouffait. Il chercha du regard exténué ses sujets qui n’y étaient plus dans le désir de lancer un ordre qui le libérât de ce corps arrogant et indépendant mais il n’y avait plus personne.
– J’étouffe! cria-t-il en vain et son cri retentit longtemps dans les couloirs vides.
– Que l’on me donne un cheval… non! Un empire! N’importe quoi mais quelque chose!
Il demandait sans espoir et tentait de se distraire de lui-même en écoutant sa propre voix. Mais tout fut inutile. Il se frappa le corps et éclata en sanglots amers.
Pinocchio entra dans la pièce sur la pointe des pieds. Il s’approcha du roi et lui dit doucement dans le creux de l’oreille qui continuait d’entendre Vous dominiez un empire et vous n’êtes qu’un hôte dans votre propre corps.
Le roi sursauta. Il lui avait semblé entendre quelque chose. Il regarda autour de lui sans comprendre. Dans la pièce vide, le tic tac têtu d’une horloge rebondissait de mur en mur.