on rencontre sa destinée souvent par les chemins qu’on prend pour l’éviter (Jean de la Fontaine)

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Il était encore tôt et il faisait les cent pas sur le trottoir humide. L’air frais et piquant du matin lui caressait les joues et même si c’est banal, il en était ainsi, l’air frais lui caressait les joues et il en oubliait l’ennui qu’il avait éprouvé à son réveil en découvrant la même chambre se dessiner sous ses yeux. Il ne savait pas bien d’où venait sa confusion ni même s’il était confus au fond. Il était indécis, ça oui. L’important étant qu’on ne l’approchât pas trop, jamais trop et que nul ne se tînt trop longtemps trop près de lui. Aucune émotion ne venait balayer la surface lisse qu’il mettait en contact avec le monde. Certes, il avait besoin d’être distingué entre tous, il avait besoin de l’affection d’un grand nombre mais il ne tenait nullement à entrer plus avant dans un quelconque commerce avec un exemplaire du lot. Ainsi il faisait les cent pas et il ne savait même plus ce qu’il attendait.

un ascendant rêvé

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Une voyante apparut dans la cour, c’était la nuit et le feuillage généreux d’une essence méditerranéenne tombait doucement au dessus des têtes, brodant dans l’espace son dessin sombre, familier et accueuillant. La femme saisit une poignée de roses roses et closes et les jeta en l’air au dessus des curieux qui regardèrent la trajectoire des fleurs et s’en saisirent lorsqu’elles retombèrent à leur portée. J’en vis une tomber à terre et observai sa beauté sur le gravier lunaire. La femme me prit à part : « Ah oui, c’est soi-disant lui, mais c’est bien lui, il est séduisant et tu lui plais, oh oui tu lui plais vraiment… mais il ne peut pas l’admettre! ». Les autres se promenaient dans la cour et la nature sombre du jardin était déliceuse, face à nous s’élevait une haute bâtisse blanche. Je lui plaisais vraiment.

désamour illusoire

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Tu inventes. Tu ne sais rien. Tu crois savoir. Tu as toujours raison. Tu veux toujours avoir le dernier mot. Tu ne sais rien. Même en se forçant, ce qui n’est pas, n’est pas. C’est si difficile à entendre? Tu inventes. Ce qui est, tu ne l’acceptes pas. Tu n’acceptes pas ce qui est. Tu ne l’acceptes pas. Tu inventes des histoires. Imagine à quel point elles n’existent pas. Dans ton imagination. Tu sais tout. Tu ne sais rien. Tu inventes. Tu te prends pour un aigle quand tu pointes ton nez hors de terre. Tu peux t’effondrer. Tu seras assis sur ta chaise. La force de gravité maintiendra ton corps en place. Tu te jetteras dans le vide. Au bas du lit. Tes pieds à terre. Ton pied-à-terre. Tu partiras en voyage. Tu ne reviendras pas.

le courage de la goutte d’eau c’est qu’elle ose tomber dans le désert (proverbe chinois)

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Elle s’approcha de lui qui se détournait.

– Tu sais, je ne te comprends pas, dit-elle pour dire quelque chose de sensé.

Il la regarda, tout à coup curieusement présent à lui-même.

– Moi non plus, dit-il, soulagé de pouvoir prononcer quelques mots.

– Tu ne me comprends pas ou tu ne te comprends pas?

– Les deux!

Il sourit, il avait trouvé une échappatoire heureuse en ce double sens. Elle pensait tout comprendre au contraire mais elle ne voulait pas se limiter à ses intuitions qui sont, on le sait, parfois plus sensationnelles que réelles. Elle voulait que ce soit lui qui se dévoila, librement. Vous devez entrer par vous même, lui avait-on appris.

constellation intérieure

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Quand on n’a que l’amour à offrir en partage chante la chanson, on s’assoit sur le trottoir et on regarde les nuages. Que la matière existe mais ne soit pas réelle est une affirmation qui n’aide que très relativement à vivre vu qu’ici-bas, tout se qui peut se faire se fait dans la matière, à travers la matière. L’esprit même est véhiculé par la matière qui est intelligente. Ainsi, malgré tout, on ne répond pas aux seules véritables questions qui rebondissent sur une table de ping pong imaginaire : Qu’est-ce que cette force vitale? Et cette matière qui l’héberge un temps défini? Qu’est-ce que cet amour qu’on éprouve? On pénètre ces questions plus qu’on y répond, on y répond en vivant, on entre dans l’espace qu’elles ont ouvert et on bouge différemment : ce qui allait de soi est étrange et ce qui est étrange va de soi. On suit des yeux les rondes balles de ping pong comme des planètes folles dans l’univers intérieur.