Il était une fois et c’était une bonne fois, un âne. On le surestimait souvent mais c’était pour l’avoir sous-estimé longtemps. Quand on lui présentait une carotte, il tournait bêtement la tête (tout naturellement puisque c’était une bête, un animal en somme).
– Tu n’aimes pas les carottes? lui demandait-on comme s’il parlait français.
– Non, répondait-il comme s’il le comprenait.
– Eh bien que voudrais-tu d’autre alors? ajoutait-on comme si l’on s’y était fait immédiatement.
– Du cresson du jardin de Balthazar, disait-il sans hésiter comme si l’on n’avait connu que lui. C’est à dire Balthazar.
– Et qui est Balthazar? continuait-on, tant qu’on y était, de s’enquérir.
Mais à ce point de l’histoire, l’animal ne répondait jamais. Son regard vitreux et mystérieux se posait sur le narrateur et s’en détournait avec la même nonchalence. On se surprenait arrêtant un passant qui n’avait rien demandé pour lui raconter la scène mais invariablement ce dernier s’enfuyait en courant.