Il fit un pas de côté et lui lança un coup d’oeil rapide.
– Tu ne me connais pas, je ne suis pas quelqu’un de fiable, dit-il surpris d’être lui-même.
Il songeait à tort qu’elle se tenait sur sa paume tandis qu’elle marchait, tranquillement ou presque, dans les allées tortueuses de sa propre vie. Il manquait à celle-ci d’être traversée d’un vent puissant qui eût défait bien des noeuds. Mais les allées tortueuses empêchaient les bourrasques de circuler librement sans perdre de leur force, justement. Elle regardait droit devant elle, ni soucieuse ni heureuse, ni patiente ni impatiente mais un peu comme un poisson se regarderait autour si tout à coup on le sortait de l’eau et qu’on le laissait là, à l’air, en lui faisant la leçon:
– Le matin on se lève et le soir on se couche, entre les deux, on mange.
C’est un peu comme chez moi, songerait-elle toute chose parce qu’elle commencerait à ne plus pouvoir résister plus longtemps sans respirer.
– Et n’en demande pas trop parce que cela risque de t’arriver, après quoi, c’est une autre paire de manche pour gérer l’infini avec une tête finie.
Mais le poisson à ce point de l’histoire serait déjà mort, il s’en faut bien moins. Et en le voyant immobile dans le caniveau, un enfant distrait lui aurait donné un petit coup de pied pour qu’il glisse dans la bouche ouverte des égouts.