Il attendit un instant sur le bord du trottoir, les yeux figés sur l’eau limpide qui courait dans le caniveau. Qu’il fût né le laissait bouche bée. Qu’une sensation telle l’inquiétude qu’il éprouvait à l’idée de ne pouvoir payer son loyer pût coexister avec cet étonnement candide et total qui le ravissait à l’idée d’être en vie lui semblait incongru.
Rien, pensait-il, n’aurait dû pouvoir l’arrêter, tant cette joie surprenante de vivre, qu’une telle chose soit possible, concevable, factuelle même, l’exaltait et laissait la ville comme tremblante après le passage invisible d’un miracle. Et pourtant, comment allait-il payer son loyer?
Décidément il n’y avait pas de relation directe entre la merveille qui palpitait dans son corps et la solution d’un problème de cet ordre. Son propriétaire, vivant lui aussi d’autre part, même si à première vue, on ne savait qu’en penser masi que l’on se rendait à l’évidence, il vivait de cette même vie, bref, son propriétaire incombait, intransitif et définitif.
Il n’allait tout de même pas aller trouver l’homme, tout vivant qu’il était et lui dire :
– On ne dirait pas mais vous êtes vivant! Vous rendez-vous compte de cette chance qui vous est tombée du ciel, en même temps que vous sortiez du ventre de votre mère?
Non, décidément, il ne pouvait pas. De surcroît, il craignait que cet argument capital, qui aurait dû changer la face du monde à l’instant même où la conscience le proférait, et donc la sienne, de face de monde, n’ait eu aucune conséquence sur le cours normal des choses. D’ailleurs, il ne voyait pas non plus le rapport, d’un certain point de vue.
Il ne pouvait décemment pas non plus s’enquérir :
– Qu’est-ce qu’un loyer en regard d’une planète?
Ni même – Qu’est-ce qu’un loyer en regard d’une étoile, d’un caillou, d’un seul de mes cheveux etc.
Une certitude lumineuse l’envahit. L’argent allait lui tomber du ciel. Tout comme la vie. Rien de moins. Il scruta l’horizon, l’azur si bien nommé et en conclut que non. Contre toute attente, il n’y avait rien à faire, l’argent ne tombait pas du ciel.