C’était au temps où les bêtes parlaient. C’est à dire il y a bien longtemps. Elles se retrouvaient dans les grands bois pour échanger leurs impressions sur les diverses techniques de chasse, sur la meilleure herbe tendre ou sur les meilleurs recoins où se reposer en paix.
Sous la voûte feuillue, leurs échanges résonnaient et un concert de piaillements solidaires accompagnait leurs réunions. L’humidité des sous-bois s’élevait comme un voile sur les museaux animés. Les pattes fouillaient l’humus frais et parfumé et le retournaient. Des insectes délogés s’éloignaient en grognant. Viendra le temps où les insectes rampants parleront, marmonnaient-ils sans que personne n’y prêtât attention.
– Amusante ton histoire… dommage que tu ne saches pas comment continuer!
– Pinocchio, tu me casses les pieds, d’abord je sais comment continuer et ensuite j’aurais déjà continué si tu ne m’avais pas interrompue! Où en étais-je?
– Sans que personne n’y prêtât attention.
– À quoi?
– Aux insectes rampants.
– Quels insectes rampants?
– Ceux que les animaux ont délogés de l’humus.
– Quels animaux? Quel humus? Ça n’est pas possible!
Pinocchio haussa les épaules et sortit de la pièce sans claquer la porte, ce qui m’étonna beaucoup. Si j’avais parlé latin je l’aurais perdu. Mais heureusement, je ne parlais pas de langue morte.
C’était le temps où les pantins parlaient.